
À la suite de réquisitions de jeunes gens pour araser les talus le long des routes dans le secteur de Bégard afin d'assurer une plus grande visibilité lors des déplacements des troupes allemandes, la décision de mettre un terme à ce travail forcé est prise. Les Allemands abandonnèrent par la suite l'arasage des talus qui, en fait, les desservait, donnant plus de recul à d'éventuelles attaques des Résistants.
Le 3 juillet 1944, à 7 h du matin nous quittons notre campement situé dans des landes à Croaz-Marc'hossiou en Pluzunet, nous nous rendons à Bégard à l'endroit où se rassemblent les requis pour araser les talus (place de la République). Nous disposons un fusil mitrailleur et attendons un bon moment avant de voir arriver un camion allemand à la barrière rouge venant de Guingamp. Quand les Allemands nous aperçoivent ils font demi-tour. Nous allons alors à la mairie prendre le drapeau tricolore pour le hisser sur le monument aux morts.
La fenêtre de la gendarmerie est ouverte, quand nous passons devant, les gendarmes nous applaudissent, se tenant pour certains en retrait, sans doute pour ne pas être trop vus.
Le groupe est constitué d'Armand Tilly et Eugène Artur, tous les deux de Louargat, Yves Minoux de Saint-Éloi, Clet Moguen, Henri Louarn et Bodinger, tous les trois de Brest, et un autre camarade.
Ensuite, nous prenons la route de Cavan (après la route de Lenneven, dans le premier virage au lieu dit Traou-Foz), pour tendre une embuscade. Nous attendons de 10h à 15h avant de voir arriver une camionnette allemande venant de Bégard ; nous la neutralisons avec notre fusil mitrailleur et nos mitraillettes. C'est Clet Moguen qui tient le fusil-mitrailleur, je me tiens à ses côtés. Le véhicule termine sa course dans le fossé, j'ai vu un soldat Allemand en sortir titubant il s'est affalé par terre sans doute mortellement atteint. D'autres véhicules allemands suivent. Nous décrochons et prenons la direction de Prat par de petits chemins. Les Allemands eurent 1 ou 2 tués, plusieurs blessés et leur camionette détruite. Puis nous recoupons la route Lannion - Guingamp pour retourner à Pluzunet à notre campement. À la suite de cette embuscade, les Allemands ont procédé à une rafle sur Bégard : ils commettent des pillages et vols de toutes sortes, une femme est violée, une trentaine de personnes sont arrêtées puis conduites à Servel à pieds. Toutes sont relâchées au bout de 48 heures.
En arrivant à proximité du campement, à l'extrémité de la ligne droite, nous avons aperçu un groupe de cyclistes que nous ne pouvions identifier. Nous engageant dans le chemin desservant le campement, nous avons vu des traces caractéristiques de bottes cloutées. Visiblement, les Allemands étaient passés par-là. Le campement avait été investi par les Allemands peu de temps après notre départ le matin vers 8h. Il n'y avait plus personne. Tout était sans dessus dessous, notre poste radio celui reçu lors d'un parachutage était resté accroché pendant à la branche d'un arbre avec son antenne. En fait, les cyclistes que nous avions aperçus venaient sans doute de quitter les lieux. C'étaient des Allemands. Ils venaient d'assassiner deux de nos camarades François Geron et Georges Le Du.